Vous avez dit premières dames d'Afrique?

Derrière chaque grand président d'Afrique se cache une castratrice, une excentrique, une discrète, une vénale, une politicienne, une machiavélique, une généreuse, une capricieuse, une mystérieuse, une activiste, une martyre, une intellectuelle, une tacticienne, une arriviste, une altruiste ou une innovatrice première dame. Si chacune d'entre elles marque les années de présidence de leur époux par leur personnalité et leurs actions, un point commun les réunit toutes: elles fascinent ou intriguent le peuple de par leur pouvoir d'influence, car d'une manière où d'une autre, elles ont leur mot à dire sur la gouvernance de leur mari et par extension de leur pays. Actuelles ou anciennes premières dames, elles ont toutes laissé une trace et pas seulement de rouge à lèvre dans l'histoire politique de leur pays respectif.

Tout le monde sait qu'il ne faut jamais contrarier Simone!
 Ayant marqué l'actualité de ces derniers mois mais aussi de manière significative l'histoire de son pays, Madame Gbagbo Simone va ouvrir le bal de ce billet consacré aux premières dames d'Afrique. Tout d'abord il faut signaler qu'il est regrettable que certains clichés sur l'arrestation de cette dernière avec son ex-président de mari Laurent Gbagbo, les montrant humiliés, désemparés et violentés aient fait l'objet de lynchage sur internet ou d'illustration  (comme c'est souvent le cas pour les leaders déchus) sur des journaux dits sérieux. Particulièrement celles où Simone Gbagbo est montrée dénudée à terre, entourée de soldats amusés voire éméchés. Des rumeurs non confirmées font même allusion à des viols et violences commises sur sa personne. Si celles-ci s’avéraient exactes, ce serait tout simplement condamnable, révoltant et misérable. Quelques soient les opinions que quiconque pourrait porter sur Simone Gbagbo ou tout autre personne politique, ou anonyme, ou les actions et déclarations de la personne concernée, rien ne justifie l'emploie de la violence, du viol ou de l'humiliation sur la personne humaine.

Pour définir cette nouvellement ancienne première première dame ou deuxième première dame (sachant qu'elle devait partager le titre tant convoité avec une certaine Madame Ouattara), le qualificatif que ses compatriotes lui ont accolé est celui de "dame de fer" ensuite de "dame de sang" pour avoir d'abord inspiré du respect puis de la crainte. Le surnom de la "redoutable illuminée" pourrait également lui aller. De fait, Simone Gbagbo passe du catholicisme à l’évangélisme suite à un accident grave dont elle sort  miraculée en 1996 avec son mari , et ceci ajoutée à la rencontre deux ans après avec un pasteur de la mouvance évangélique américaine, la rendra plus croyante que jamais. D'où sa manière justement très proche des américains de se croire rempli d'une mission divine, et de mettre en avant sa foi dans chacune de ses déclarations: "Dieu mène notre combat, Dieu nous a donné la victoire" ou encore "Je remercie Dieu de nous avoir donné cette terre, ce peuple. Merci à Dieu de nous avoir donné ce président de la République. Merci mon Dieu tout simplement d’être Dieu". De manière moins illuminée mais plus virulente, elle déclare "Le pouvoir de Laurent Gbagbo a été attaqué par Alassane Ouattara en 2002. Si tu mets un guerrier à la tête de ton pays, c’est que tu veux la violence ! ".
Docteur en littérature orale, chercheur en linguistique appliquée , syndicaliste marxiste et historienne comme son époux, mais aussi ancienne députée, elle a toujours été très engagée dans la politique de son pays au même titre sinon plus que son ex-président d'époux. Beaucoup diront même qu'elle influencera fortement son mari dans ses choix politiques et dans la gouvernance, comme une conseillère ou une vice présidente voire une bis présidente! Elle va d'ailleurs participer à la création du parti de son mari, le FPI -front populaire ivoirien- dans les années 80 et cela dans la clandestinité. Elle sera par la suite enfermée à plusieurs reprises sous l'impulsion d'Houphouet Boigny et même torturée en raison de son engagement en faveur du multipartisme. 
Syndicaliste et politicienne acharnée, elle aura un fort impact sur la politique de son pays et obtiendra très tôt le respect des jeunes patriotes soutenant Laurent Gbagbo.
Simone Gbagbo a aussi souvent fait l'objet de nombreuses controverses et polémiques durant son "mandat". Elle fut soupçonnée en 2004 d'être impliquée dans la disparition du journaliste franco-canadien, Guy André Kieffer alors qu'il enquête sur des malversations touchant la filière du cacao, et sur le financement d'armes et l'économie de la RCI entre autre. Il lui sera aussi reproché d'avoir dépensé 300millions de FCFA lors d'un voyage privé aux USA. Un autre scandale liée à une interview sur TV5 ou elle semble dire que des femmes violées par des pro-Gbagbo lors d'une manifestation l'avaient un peu cherché entâche un peu plus sa réputation.
Simone Gbagbo, qui disposait d’un cabinet à la présidence, aura également l'art et la manière de semer le trouble pour ne pas dire la terreur dans le gouvernement. "Tous les ministres ont du respect pour moi, a-t-elle confié lors d'une interview pour L’Express. Et on me situe souvent au-dessus d’eux. J’ai la trempe d’un ministre." Elle n'aurait d'ailleurs pas hésité en 2003 à gifler en public son premier ministre coupable d'avoir fait signer des accords de paix sans en avertir la chef. Tout le monde connait la suite.

Que pouvait bien raconter Chantal à Paris et vice versa?
Dans un autre registre voire sur une planète non identifiée, il y a Madame Chantal Biya, moins politicienne mais plus "fashion victim", cette première dame du Cameroun se démarque par son look pour le moins excentrique avec sa désormais très célèbre crinière rousse. Tina Turner, à côté, ne ferait pas le poids (poids capillaire). Célèbre pour son extravagance, la première dame du Cameroun n'en est pas moins classique par ses actions. Elle est engagée dans de nombreuses oeuvres caritatives notamment dans la lutte contre le sida et aux côtés de l'Unesco. Pourtant quand son nom est évoqué, c'est surtout pour son look hors du commun des mortels. Les Etats Unis l'ont même élu Première dame la plus glamour d'Afrique. Le mot glamour devant avoir un sens à part pour les américains. Ils découvrent la dame phénoménale en 2009 lors du "sommet des premières dames africaines pour la santé" organisée par celle-ci à l'hôtel Hilton. Ironique ou sincère ces américains? Les goûts et les couleurs ne se discutent pas dira t-on. Et la couleur Chantal Biya ne lésine pas dessus quand il s'agit de vêtement, vernis à ongles, crinière rousse ou de sa ligne de conduite à laquelle elle aime de temps en temps donner une couleur bien "people". C'est ainsi qu'elle ne trouvera rien de mieux qu'inviter une grande star (grande par la taille) comme les américains savent les inventer: une certaine Paris Hilton, riche héritière des hôtels Hilton, actrice amatrice à ses heures perdues de sex tape et autres daubes, et cible préférée des magazines à scandales. Elle la rencontre lors de ce sommet dans l’hôtel de ses parents. Oui, il s'agissait bien là d'une rencontre au sommet de l'extravagance entre deux fâcheuses victimes, euh fashion victimes, qui vont tellement sympathiser que la petite princesse d'Amérique sera invitée au Cameroun. A ce sujet, Paris Hilton va déclarer fièrement aux médias:  "La Première dame du Cameroun en personne m’a invitée dans son pays et ça, c’est quelque chose que je tiens à honorer. C’est une priorité pour moi"...jusque là tout va bien, mais Paris de surenchérir: "j’aime l’Afrique en général. L’Afrique du Sud et l’Afrique de l’Ouest. Ce sont deux grands pays"...une minute de silence...et c'est là qu'on se dit que c'est peut-être une bonne action qu'effectue Chantal Biya, si cette invitation contribue à enrichir la culture géographique ou géopolitique et culture tout court, de Paris.
Catherine Bokassa
L'Afrique en matière de première dame a aussi enfanté d'une digne héritière de Madame Bovary en la personne de Catherine Bokassa, ex-impératrice de la République de Centre Afrique et épouse ou concubine, selon les sources, de feu Jean-Bedel Bokassa, qui avaient, rappelons le, 17 concubines et 36 enfants. 
Catherine Denguiadé (son nom de jeune fille) n'aurait pas été légalement mariée à Bokassa mais aurait été à l'époque sa concubine favorite, ce qui lui valu son couronnement. Les images de cette dernière ce jour là, vêtue d'une longue robe Lanvin en lamée or estimée à 72.000 dollars, rehaussée de 935.000 sequins et de pièces d’or brodée de rubis avec "une couronne en or sertie d’un diamant de 38 carats d’une valeur inestimable" feront le tour du monde. Ses demoiselles d'honneur portaient des robes "Fuchsia et rose tirées des scènes "D'autant en emporte le vent" le classique cinématographique hollywoodien. Tout un spectacle! 
Pourtant Bokassa l'accusera beaucoup plus tard, dans une interview circulant sur le net, d'avoir non seulement eu une aventure extraconjugale mais aussi d'être tombée enceinte suite à une supposée relation avec...Valérie Giscard d'Estaing, alors président de la France et accessoirement séducteur notoire. Ce dernier n'avait-il pas épaté la galerie en lançant indirectement cette fausse rumeur selon laquelle il aurait réussi à séduire la princesse de coeur feu Diana, dite lady Di, elle même briseuse de coeur bovarienne. Passons. Bokassa affirmait à l'époque en détenir les preuves. Ces propos furent censurés en France mais le net est un monde qui offre des pages et vidéos mémorables. Un livre sorti récemment "Femme de dictateurs" consacre un chapitre à cette ex-impératrice accusée d'avoir participé à la chute de Bokassa.
 Récemment en mars 2011, elle a fait partie d'un comité de réflexion qui a décernée le prix de la meilleure première dame de l'année à Madame Hinda Deby Itno, première dame du Tchad, pour ses actions humanitaires. 

Cela dit, la lauréate n'est pas vraiment appréciée de tous. 
Hinda deby Itno, premiere dame du Tchad
On reproche à cette jeune première dame du tchad, quatrième épouse d'Idriss Deby Itno, d'outrepasser les tâches traditionnellement accordées aux épouses de chefs d'états. Si certains voient en cette femme de 29ans originaire du Ouddaï, région frontalière du Soudan marquée par des attaques de rebelles et milices jenjawids, un moyen pour le président de gagner les faveurs et les voix du clan tribal  arabes et mabas de cette région, d'autres l'assimilent à une pure et simple manipulatrice narcissique et m'as-tu vu, assoifée de pouvoir. Pouvoir qu'elle exerce par ses rôles de secrétaire particulière à la présidence, conseillère, collaboratrice et confidente préférée de son époux. Quand elle prend la parole en public, la protégée du président impressionne par le ton ferme et éloquent qu'elle emploie et ses positions nationalistes qu'elle ne cache pas. Sans parler du  soutien inconditionnel qu'elle manifeste à son président de mari dont le régime est régulièrement menacé par les rebelles. Les ministres et hauts fonctionnaires de l'état l'ont compris, la première dame est autant sinon plus présidente que son mari! "Elle n'en fait qu'à sa tête!" s'insurgent les blogueurs tchadiends souvent censurés. On lui reproche de tenir les ficelles politiques de sa marionnette de mari. Ainsi, ferait-elle nommer qui elle veut (amis ou parents) et de même relever de ses fonctions qui elle veut (ennemis ou potentiels ennemis). On lui reproche son autorité exarcerbée, sa manière de rabaisser les officiers ou autres politiques. On la soupconnerait  même de s'octroyer les services des renseignements généraux à des fins personnelles. "La main sur le coeur" est le titre de l'autobiographie de celle qui a la main sur le pouvoir du Tchad; la première dame étant soucieuse de redorer son image de dame de coeur.

Image du grigri international.com... Suspicion, suspicion...
Toujours dans la famille des premières dames d'Afrique, j'ai nommé les femmes blanches des présidents noirs. Loin de vouloir mettre en avant un nauséabond débat 'racial', il faut avouer que les peuples africains qui 'héritent' d'une première dame blanche, n'en sont pas toujours fans. Au moindre pépin politique, elles sont les premières cibles des critiques acides des peuples africains souvent dépassés par les décisions incongrues et saugrenues qui ressortent des murs des palais. Mais ceci est valable pour toutes les premières dames sans distinction de couleur de peau: elles sont toujours en partie tenues pour responsables d'un échec, d'une crise, d'un mal, étant derrière leur mâle. Et pas seulement en politique, dans tous les milieux, c'est le même constat. L'enfer c'est l'autre...la femme! Yoko ono n'a t elle pas été accusée à tort ou à raison d'être la cause de la séparation des Beatles? Victoria Beckham n'a t elle pas été accusée des mauvais résultats ou mauvais choix de carrière de son footballeur de mari? Et la liste est longue. 

Mais pour en revenir aux premières dames blanches, les populations africaines les soupçonnent d'être des manipulatrices venues manger le pain déjà inexistant des africains. "Des étrangères qui se croient tout permis", entend t-on souvent dans les débats de comptoirs ou autre forums florissants de 'pensées' ou phrases cultes si ce n'est incultes. Et puis pourquoi, les présidents noirs sont-ils tellement friands de premières dames blanches? Cette amour de la blonde aux yeux bleus cache t-il un éternel complexe d'infériorité de l'homme noir qui pour asseoir sa crédibilité d'intellectuel noir ayant réussi, a besoin de s'afficher aux côtés d'une blanche? Question existentielle en Afrique. D'autant que le contraire n'existe pas. 
Y a t-il une seule première dame noire en Europe, en Amérique du Nord-Sud, en Orient ou en Asie? Est-ce même envisageable? Pourquoi serait-il normal voire banal de voir un chef d'état noir aux côtés de son épouse couleur vanille et surprenant voire interpellant si le contraire se produisait aux pays de l'homme blanc? Albert de Monaco a esquissé une tentative de togolisation qui a vite échoué. Une sud africaine...blanche comme épouse, c'est plus concevable. L'histoire universelle, s'il en est une, nous donne des réponses: les anciens peuples opprimés doivent rester à leur place. Bien que le monde et les mentalités évoluent, certains stéréotypes et préjugés restent durs à combattre. 

Toujours est-il que Viviane Wade au Sénégal, Dominique Ouattara en Cote d'Ivoire, Sylvia Valentin au Gabon irritent les populations de leur pays d'accueil. En madame Wade, les sénégalais voient une femme beaucoup trop influente et inflexible qui s’ingère plus qu'il n'est permis dans les décisions politiques jusqu'à encourager l'ascension politique de son fils et la nomination des ministres. Elle fut d'ailleurs au coeur de la polémique sur le fameux 'ticket présidentiel' visant à (ré)élire le président au premier tour avec 25% des voix et octroyant un duo président/vice président défiant toutes les lois du pouvoir. Madame Ouattara est de son coté traitée de tous les noms et accusée de tous les maux qui ont bouleversé la RCI ces derniers mois. Certains sont même allés jusqu'à lui attribuer des propos plus qu'effrayants: "Même au prix de 100.000 morts, nous arriverons au pouvoir "...Info ou intox? C'est le chanteur Alpha Blondy qui résume le mieux le désamour d'une grande partie des ivoiriens pour leur première dame, dite la "colombe blanche" pour ses admirateurs, et  "tigresse des "affaires" pour ses détracteurs: "Le mariage de M. Ouattara avec Dominique, relève d’un calcul politicien "....
 Quand on remonte à plus loin, même Senghor chantre de la négritude, indissociable de son magnifique poème  dédié à la 'femme noire' :...femme nue, femme noire..avait fini sa vie dans les bras d'une femme nue, femme blanche...après avoir divorcé de Ginette Eboué, fille du guyanais Felix Eboué. Ce qu'il explique dans le livre entretien La poèsie de l'action: " Vous me demanderez pourquoi j'ai brûlé ce que j'avais adoré, pourquoi j'ai  épousé une blanche. Bien  sûr, le mariage est d'abord une affaire de raison. Il vaut mieux que les deux conjoints aient des affinités raciales, continentales, culturelles, voire sociales. C'est ce que j'avais d'abord pensé. Mais la déception est venue. Et puis le mariage doit être, aussi, surtout, une affaire d'amour,où 'le coeur a ses raisons que la raison ne connait pas'.Je ne regrette pas d'avoir fait ce dernier mariage"....
Choix du coeur ou choix stratégique ces couples mixtes ne laissent pas indifférent...

A suivre ...

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